L’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) a publié dernièrement un rapport alarmant qui a été présenté à l’occasion du Congrès Européen sur l’Obésité (ECO) qui se tenait à Maastricht du 4 au 7 mai 2022. Ce rapport révèle que le surpoids et l’obésité ont atteint des proportions épidémiques en Europe et continuent d’augmenter : 59 % des adultes et près d’un enfant sur trois sont concernés.
Parmi les très nombreuses complications de la surcharge pondérale, on entend aujourd’hui de plus en plus parler de la “maladie du foie gras” qui touche 25 à 30 % de la population générale et notamment 70 à 80 % des personnes souffrant d’obésité et de diabète. Il s’agit de la maladie hépatique la plus fréquente dans les pays occidentaux.
Un peu de terminologie…
La NAFLD (pour Non-Alcoholic Fatty Liver Disease) résulte d’une stéatose hépatique, soit une accumulation de graisse sous forme de triglycérides dans le foie. La NAFLD peut s’aggraver en stéatohépatite ou NASH (pour Non-Alcoholic SteatoHepatitis), laquelle est caractérisée par une inflammation et une fibrose, en plus de la stéatose.
La NAFLD/NASH est une maladie silencieuse, asymptomatique, qui se développe insidieusement pendant souvent plusieurs années avant d’être découverte fortuitement à l’occasion d’un bilan sanguin ou bien, pour les moins chanceux, lors d’une complication d’origine cardiovasculaire ou hépatique. Car l’accumulation de graisses au niveau du foie qui caractérise la stéatose hépatique s’associe pour la majorité des cas à d’autres anomalies métaboliques telles qu’un excès de tissu adipeux viscéral, une dyslipidémie, une insulinorésistance voire un diabète, ou une tension artérielle élevée. Ce tableau général définit ce qu’on appelle communément le syndrome métabolique, soit un ensemble d’anomalies entrainant une augmentation considérable du risque de mortalité cardiovasculaire [1]. À ce risque cardiovasculaire s’ajoute le risque hépatique, la dégradation progressive du foie aboutissant à une fibrose généralisée (cirrhose) et une insuffisance hépatique, ou le développement d’un cancer du foie (carcinome hépatocellulaire).
Comme pour toute maladie métabolique, on retrouve à l’origine une consommation excessive de sucre et de graisse et le développement d’une surcharge pondérale principalement localisée au niveau de l’abdomen avec l’accumulation de graisse à l’intérieur et autour des organes tels que le foie, le cœur et le pancréas.
Si les personnes souffrant d’obésité, d’hypertension artérielle ou de diabète de type 2 sont plus à risque de développer une stéatose hépatique, il n’en reste pas moins que le diagnostic est très souvent établi trop tard, lorsque se déclarent les complications.
Les moyens de dépister la maladie du foie gras aux stades précoces existent pourtant bel et bien et sont relativement faciles d’accès. En effet, la réalisation d’un simple bilan sanguin combinant le dosage des transaminases hépatiques et des plaquettes (FIB-4 ; voir encadré), et d’une élastométrie (FibroScan®) pour mesurer le degré d’élasticité du foie, est reconnue comme presqu’aussi fiable et bien moins invasive qu’une biopsie hépatique pour confirmer une suspicion de NASH. La biopsie hépatique, qui consiste à prélever à l’aide d’une aiguille un fragment de foie afin de l’analyser au microscope, reste toutefois un examen essentiel pour le diagnostic formel de la NAFLD/NASH.
La prévalence de l’obésité en Europe dépasse celle de toutes les autres régions définies par l’OMS, à l’exception des Amériques. Cela-dit, aucun des 53 pays de la zone n’a été jusqu’à aujourd’hui en mesure d’enrayer la progression épidémique.
Conscients du caractère épidémique de la maladie du foie gras et de la gravité de ses conséquences au niveau cardiovasculaire et hépatique, les centres RNPC participent à son dépistage systématique en repérant la présence d’un éventuel syndrome métabolique et en calculant de façon systématique le score FIB-4 (FIBROSIS-4), qui permet de repérer les patients à haut risque de NASH. Ces éléments sont notamment reportés dans le compte-rendu adressé au(x) médecin(s) du patient de sorte qu’une prise en charge adaptée lui soit proposée.
La NAFLD/NASH suit malheureusement la même courbe, ce qui est d’autant plus inquiétant qu’il n’existe à ce jour encore aucun médicament pour traiter cette maladie. Le seul traitement dont l’efficacité a été démontrée à de maintes reprises et de façon robuste dans des études cliniques est la perte de poids. En effet, au stade de NASH, le suivi d’un régime alimentaire strict (associé ou pas à une augmentation de l’activité physique) entrainant une perte de poids de 10 % ou plus du poids initial se traduit pour 90 % des patients par une résolution de la maladie sous tous ces aspects : diminution du taux de graisse intrahépatique, réduction de l’inflammation et d’une régression de la fibrose. En revanche, au stade de cirrhose ou de cancer du foie, les dommages au foie sont malheureusement irréversibles et nécessitent alors une greffe de foie.
Il faut donc agir avant d’atteindre le point de non-retour ! Les médecins généralistes doivent être conscients du problème, être capables de repérer les patients à haut risque et leur proposer systématiquement un bilan sanguin permettant le calcul du score de fibrose FIB-4 avant d’éventuellement les orienter vers un hépatologue pour des investigations plus poussées.
La prise en charge de la surcharge pondérale doit être proposée bien avant le diagnostic d’une NASH, d’une hypertension artérielle ou d’un diabète, et doit cibler la perte du tissu adipeux viscéral. Le Programme RNPC® s’inscrit totalement dans cet objectif à la fois préventif et curatif. L’efficacité de cette méthode unique de prise en charge de la surcharge pondérale sur les maladies métaboliques comme la NAFLD/NASH, le syndrome métabolique, l’hypertension artérielle et le diabète est scientifiquement prouvée. En effet, d’après une étude réalisée sur l’ensemble des patients des centres RNPC® à haut risque de stéatose hépatique, 78 % ne présentaient plus qu’un risque faible seulement 3 à 4 mois après l’initiation de la phase d’amaigrissement du programme et une perte moyenne de 11 % de leur poids corporel initial. De même, 68 % ne présentaient plus de syndrome métabolique et le pourcentage de patients traités pour hypertension et/ou diabète de type 2 était divisé par deux [2].
Le microbiote intestinal est composé d’au moins 1014 bactéries appartenant à plus de 400 espèces différentes et formant une biomasse hautement interactive. Un véritable écosystème qui vit en symbiose avec nos propres cellules et fait partie intégrante de l’organisme humain. Le développement du microbiote intestinal commence à la naissance et il évolue tout au long de la vie. De nombreux facteurs influencent négativement ce processus parmi lesquels un régime alimentaire riche en sucre et/ou graisse, la consommation chronique d’alcool, le tabagisme, la prise d’antibiotiques ou d’anti-inflammatoires, le stress… En effet, ces facteurs peuvent induire une dysfonction de la barrière intestinale augmentant sa perméabilité et une modification qualitative et quantitative des bactéries du microbiote intestinal. Ce dérèglement, défini par le terme de dysbiose, s’avère être le dénominateur commun à toutes sortes de pathologies dont l’obésité, le diabète, le syndrome métabolique et les maladies cardiovasculaires ; la NASH vient depuis peu de s’ajouter à cette liste non exhaustive
L’étude FLORINASH
Dans une étude publiée dans la revue Nature Medicine en 2018, le consortium européen FLORINASH regroupant des chercheurs de l’INSERM, de l’Imperial College de Londres, de l’Université Tor Vergata de Rome et de l’Université de Gérone en Espagne, montre comment certaines bactéries intestinales provoquent l’accumulation de graisses dans le foie et jouent un rôle majeur dans le développement et l’aggravation de la maladie du foie gras [3].
Les chercheurs ont analysé des échantillons de sang, d’urine, de selles et des biopsies du foie prélevés chez une centaine de femmes obèses atteintes de stéatose hépatique non alcoolique. Les résultats des analyses ont ensuite été comparés avec ceux issus d’échantillons similaires recueillis auprès d’individus sains.
L’analyse détaillée des données a révélé un appauvrissement de la composition du microbiote intestinal chez les personnes atteintes de NAFLD/NASH. Cette diminution du nombre et de la diversité des bactéries intestinales était observée avant même que les premiers symptômes n’apparaissent et était corrélée à la sévérité de la maladie. Les chercheurs ont également observé une augmentation de la production par certaines bactéries intestinales de composés favorisant l’accumulation de lipides dans le foie tel que l’acide phénylacétique.
Preuve du lien de cause à effet entre ces observations et la maladie du foie gras, les chercheurs ont transféré le microbiote intestinal des patientes malades à des souris saines, lesquelles ont vu leur taux de triglycérides intrahépatique augmenter drastiquement. De même, l’administration d’acide phénylacétique aux souris a entrainé l’accumulation de graisses dans leur foie.
Ces résultats fascinants démontrent l’importance du microbiote intestinal dans la maladie du foie gras et ouvrent la voie à des stratégies thérapeutiques nouvelles.
D’après les résultats de nombreux travaux de recherche scientifique, il serait possible à terme, en modulant la composition du microbiote intestinal par l’utilisation de prébiotiques et/ou probiotiques, d’interférer avec les mécanismes bactériens responsables du développement de la maladie et d’empêcher ainsi les complications hépatiques liées à la surcharge pondérale. Par conséquent, le microbiote intestinal constitue aujourd’hui une cible thérapeutique séduisante pour la prise en charge des maladies du foie gras.