Les maladies inflammatoires chroniques de l’intestin (ou MICI) regroupent la maladie de Crohn (51 % des MICI) la rectocolite hémorragique (34 %) et les colites indéterminées (15 %). Les MICI se caractérisent par une inflammation de la paroi d’une partie du tube digestif, due à une dérégulation du système immunitaire intestinal. On parle de maladie auto-immune.
Ce sont des maladies invalidantes, récidivantes, et malheureusement encore incurables. Leur origine est multifactorielle, semblant résulter de la combinaison complexe de facteurs environnementaux, associés à une susceptibilité génétique du patient et à la réactivité particulière de son système immunitaire.
La prévalence des MICI, en constante augmentation dans les pays développés et en voie de développement, est plus élevée dans les pays industrialisés, notamment en Europe du Nord-Ouest et aux États-Unis. En France, on compte 300 000 personnes atteintes d’une de ces maladies, soit une personne sur 200, avec une augmentation des cas de 56 % en seulement 9 ans.
Les résultats d’une étude de grande envergure, conduite sur 601 009 personnes âgées de 18 à 98 ans habitant dans les pays occidentalisés et suivis pendant environ 16 ans environ, ont montré un risque de développer la maladie de Crohn de 34 % en cas d’obésité [1]. Pour chaque augmentation de 5 kg/m2 de l’indice de masse corporel (IMC), le risque, pour un adulte, de contracter la maladie de Crohn a augmenté en moyenne de 16 %. Ainsi, plus l’IMC est élevé, plus le risque de développer la maladie de Crohn est élevé.
Ce lien n’a en revanche pas été démontré pour la rectocolite hémorragique.
L’obésité se caractérise par une augmentation de la quantité de tissu adipeux, autrement dit les tissus formés de graisse. L’expansion du tissu adipeux, en particulier du tissu adipeux viscéral (c’est-à-dire situé à proximité ou à l’intérieur des organes tels que l’intestin, le cœur, le foie, etc.), sécrète de façon excessive et chronique des substances pro-inflammatoires.
Depuis maintenant une décennie, les liens entre l’obésité, ses comorbidités, et le déséquilibre du microbiote intestinal ne sont plus à démontrer [2,3]. On remarque également que les sujets souffrant d’obésité présentent une augmentation de la perméabilité intestinale, l’intestin laissant ainsi passer dans la circulation sanguine toutes sortes de molécules (allergènes, métaux lourds, nutriments, etc.) et bactéries indésirables.
Ces phénomènes provoquent une inflammation à la fois locale et générale de l’organisme, altérant notamment le microbiote intestinal et le système immunitaire [4]. Ce sont tous ces dérèglements provoqués par l’excès de graisse qui conduiraient au développement des MICI et, secondairement, à des formes compliquées de ces maladies.
Si la surcharge pondérale semble être un facteur péjoratif dans le développement des MICI, elle impacte également négativement leur prise en charge.
De façon générale, la surcharge pondérale modifie la pharmacocinétique des médicaments [5]. Les biothérapies, traitements thérapeutiques les plus puissants utilisés dans les MICI et dont les doses sont adaptées au poids du patient, sont beaucoup moins efficaces chez les patients souffrant aussi d’obésité : la demi-vie et les taux résiduels sont diminués en raison d’une augmentation de la clairance du médicament et du volume de distribution.
La prise en charge chirurgicale reste très fréquente dans les MICI : 25 % des patients à 10 ans dans la maladie de Crohn et 1 patient sur 10 dans la rectocolite hémorragique. Or l’obésité est associée à une augmentation de la morbidité péri-opératoire, avec notamment une augmentation de la durée opératoire et un risque plus élevé de conversion en laparotomie.
Il est donc impératif de perdre du poids, au mieux avant sinon en parallèle au traitement, que celui-ci soit médicamenteux ou chirurgical. Une approche holistique des soins aux patients atteints de MICI, basée sur l’application de règles hygiéno-diététiques simples (arrêt du tabac, alimentation équilibrée, activité physique, temps de sommeil suffisant), avec si nécessaire le recours à un accompagnement diététique et nutritionnel, devrait être encouragée pour à la fois améliorer la prise en charge des MICI et prévenir les complications cardiovasculaires en lien avec la surcharge pondérale et les MICI [6].