Le surpoids et l’obésité ont des effets négatifs significatifs sur la fertilité, tant chez la femme que chez l’homme. En effet, l’excès de poids est associé à une diminution des conceptions spontanées, à une augmentation des avortements spontanés et a également un impact négatif sur la santé à long terme de la mère et du bébé [1]. Or, avec la tendance croissante de la surcharge pondérale à toucher des populations de plus en plus jeunes, il y a fort à parier que la prévalence des troubles de la reproduction qui y sont associés augmentera rapidement au cours des prochaines décennies.
Les anomalies reproductives liées au surpoids et à l’obésité surviennent plus fréquemment lorsque la surcharge pondérale est viscérale, ce qui suggère un rôle important des sécrétions adipocytaires et de la résistance à l’insuline sous-jacente. D’ailleurs, on sait déjà que le syndrome des ovaires polykystiques (SOPK), la première cause d’infertilité chez la femme, est une pathologie associée à la résistance à l’insuline qui est plus fréquente chez les femmes en surcharge pondérale. L’insuline stimule les ovaires à produire des androgènes, entrainant ainsi une augmentation de la concentration de testostérone et, par voie de conséquence, l’inhibition de l’ovulation [2].
La diminution des conceptions associée à l’obésité n’est cependant pas seulement expliquée par l’anovulation car même les femmes obèses avec ovulation normale présentent une fertilité diminuée. En effet, on constate également chez les femmes en surcharge pondérale une altération de la qualité ovocytaire et endométriale (et donc une augmentation du risque de fausses-couches) secondaire à l’excès d’androgènes et à l’hyperinsulinémie.
Chez l’homme, la surcharge pondérale est associée à une diminution de la spermatogenèse et à une incidence augmentée de dysfonction érectile. La cause est avant tout hormonale, le tissu adipeux en excès sécrétant davantage d’œstradiol, ce qui diminue le ratio androgènes/œstrogènes et pourrait contribuer à l’oligospermie (concentration en spermatozoïdes anormalement basse dans le sperme) [3] et à la dysfonction érectile.
Avec une surcharge pondérale, la stimulation de l’ovulation chez la femme nécessite de plus grandes doses de médication, ce qui augmente considérablement les coûts du traitement. Le suivi échographique des femmes obèses s’avère aussi plus difficile et le risque de complication comme l’hyperstimulation ovarienne plus important. De plus, durant un traitement par fertilisation in vitro (FIV), le nombre d’ovocytes prélevés est souvent inférieur chez les femmes obèses. La qualité des embryons, le taux d’implantations (même après un don d’ovocytes) et les naissances vivantes sont également diminués dans cette population [4][5].
Des chercheurs d’une clinique espagnole spécialisée dans la reproduction médicale assistée ont montré que l’excès de poids est un facteur aggravant dans le résultat des traitements de procréation médicalement assistée (PMA). Il affecte non seulement la qualité des ovaires et des ovules mais aussi celle de l’endomètre, contribuant ainsi à une augmentation des troubles du cycle, mais aussi à des fausses couches et à des complications morbides plus fréquentes durant la grossesse. En effet, après avoir analysé plus de 2650 cycles de dons d’ovocytes, ils ont constaté que le taux d’implantations réussies chez les femmes minces (indice de masse corporelle (IMC) entre 20 et 24,9 kg/m2) était de 35 % contre 31 % chez les femmes en surpoids (IMC entre 25 et 29,9 kg/m2) et 29 % chez les femmes obèses (IMC ≥ 30 kg/m2). Le taux de grossesse était quant à lui de 60 % chez les femmes minces de 57 % chez les femmes en surpoids et de 49 % chez les femmes obèses. Enfin, le pourcentage de fausses couches était de 15 % chez les femmes minces, de 20 % chez les femmes en surpoids et de 18 % chez les obèses [6].
C’est ce qu’a démontré une étude australienne [7] réalisée sur une cohorte de 87 femmes obèses et infertiles. La plupart d’entre elles (80 %) étaient anovulatoires, soit un arrêt complet des cycles. Ces femmes ont suivi un programme de perte de poids hebdomadaire basé sur des mesures hygiéno-diététiques (régime et exercice physique) pendant 6 mois. Durant cette période, les traitements contre l’infertilité ont été interrompus. Les résultats sont édifiants :
✔️ 67 femmes ont complété le programme et ont perdu en moyenne 10,2 kg (soit une réduction de 3,7 unités d’IMC)
✔️ 60 d’entre elles (soit 90 %) ont eu un retour d’ovulation spontanée dès 6,5 kg perdus
✔️ 52 femmes (soit 78 %) ont constaté une grossesse (dont 18 spontanées) dans les 9 mois suivant la fin du programme, dont 45 (67 %) ont donné naissance à un enfant viable
Dans le groupe de 20 femmes qui n’ont pas complété le programme et n’ont donc pas perdu de poids de façon significative (faisant ainsi office de groupe contrôle), aucune grossesse n’a été constatée.
Les auteurs de cette étude ont complété leur recherche par une petite analyse pharmaco-économique : avant le programme, les 67 femmes avaient bénéficié de traitements contre l’infertilité pour un total de 550 000 A$ pour deux grossesses menées à terme (soit 275 000 A$ par naissance). Après le programme, les traitements de ces mêmes femmes ont représenté un total de 210 000 A$ pour 45 naissances (soit 4 600 A$ par naissance). Une économie non négligeable pour les systèmes de santé !
Ainsi, une perte de poids, même modérée, peut considérablement augmenter leur chance de concevoir, notamment en restaurant une ovulation spontanée. La perte de poids doit donc être considérée comme LA première option pour les femmes infertiles et en surpoids. Il est primordial de mettre en place des structures permettant de prendre rapidement en charge les couples en surcharge pondérale aux prises avec un problème de fertilité pour leur faire perdre du poids avant ou en complément d’une PMA.
[1] Balen AH, et al. Impact of obesity on female reproductive health: British fertility society, policy and practice guidelines. Hum Fertil 2007;10:195-206
[2] Poretsky L, et al. The insulin-related ovarian regulatory system in health and disease. Endocr Rev 1999;20:535-82
[3] Jensen TK, et al. Body mass index in relation to semen quality and reproductive hormones among 1,558 Danish men. Fertil Steril 2004;82:863-70
[4] Fedorcsak P et al. Obesity is a risk factor for early pregnancy loss after IVF or ICSI. Acta Obstet Gynecol Scand 2000;79:43-8
[5] Bellver J, et al. Obesity and the risk of spontaneous abortion after oocyte donation. Fertil Steril 2003;79:1136-40 [Medline]
[6] Bellver J, et al. Obesity and Poor Reproductive Outcome: The Potential Role of the Endometrium. Fertil Steril. 2007;88(2):446-51
[7] Clark AM, et al. Weight loss in obese infertile women results in improvement in reproductive outcome for all forms of fertility treatment. Hum Reprod 1998;13:1502-5