Aujourd’hui en France, une personne sur deux est en surpoids et près d’une personne sur six souffre d’obésité. Le nombre de cas d’obésité a triplé depuis 1975 et les derniers chiffres disponibles concernant les adolescents sont préoccupants : dès la classe de troisième, près d’un adolescent sur cinq est déjà en surpoids. Compte tenu de l’évolution de cette véritable épidémie dans le monde et de ses conséquences sur la santé des populations (maladies cardiovasculaires, métaboliques, ostéoarticulaires et psychologiques), il n’est pas étonnant que la lutte contre la surcharge pondérale soit l’une des préoccupations majeures de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) pour les années à venir.
L’impact de l’augmentation du poids des patients sur l’activité du chirurgien orthopédique n’est pas anodin. Alors qu’il doit aujourd’hui s’attendre à recevoir un tiers de patients obèses, il est nécessaire de s’intéresser à cette population et aux spécificités qu’elle présente à chaque étape de la prise en charge.
Le risque d’arthrose augmente proportionnellement avec l’indice de masse corporelle (IMC), existant même avec de faibles niveaux de charge pondérale. Au-dessus d’un IMC de 27 (ce qui correspond à un léger surpoids), le risque de gonarthrose (arthrose du genou) s’élève de 14 % à chaque augmentation d’une unité d’IMC.
Quelles en sont les raisons ? Tout d’abord, les articulations du patient en surpoids ou obèse (en particulier celles du genou et de la hanche) sont soumises à un stress biomécanique évident du fait de la surcharge pondérale lors de la marche. S’ajoute un état inflammatoire chronique induit par la présence de molécules inflammatoires sécrétées en permanence et de façon excessive dans tout l’organisme par les dépôts graisseux situés dans la cavité abdominale.
Le risque d’une atteinte inflammatoire favorisant la dégénérescence du cartilage, notamment au niveau du genou, est donc plus élevé en cas d’obésité. En moyenne un patient obèse devra bénéficier d’une arthroplastie du genou 7 ans avant un patient présentant un IMC < 25 kg/m2.
On relève également un taux plus important de fractures au niveau du fémur, de la cheville et du pied chez les patients obèses. De même, 56 % des patients victimes d’une luxation de genou sont obèses.
Les conséquences sont nombreuses et concernent plusieurs aspects de l’opération, ce qui peut amener votre chirurgien à refuser de vous opérer tant que vous n’aurez pas perdu du poids.
De façon générale, le risque de septicémie (réaction inflammatoire massive due à une infection généralisée de l’organisme) et d’hémorragie est plus élevé.
Les comorbidités associées à la surcharge pondérale sont fréquentes et ont, elles aussi, des conséquences sur le geste chirurgical. Un diabète mal équilibré augmente le risque infectieux. Les atteintes pulmonaires doivent amener le chirurgien à modifier la position opératoire. Enfin, les défaillances d’organes telles que l’insuffisance rénale et l’insuffisance cardiaque secondaires à l’anesthésie générale peuvent mettre en jeu le pronostic vital du patient et augmenter sa durée de séjour à l’hôpital.
L’hôpital doit s’équiper de matériel spécifique aux patients obèse, la charge maximale des brancards, des lits et des tables opératoires devant être adaptée. En imagerie également car, au-delà de la charge maximale autorisée, les arceaux de scanner et d’IRM ont une largeur standard comprise entre 60 et 80 cm. Le geste opératoire peut également être rendu plus difficile du fait d’instruments dont la taille n’est pas appropriée.
Le choix de la méthode d’anesthésie est important compte tenu des comorbidités. Il est également important d’adapter les doses de médicaments en fonction du poids du patient.
Les temps opératoires doivent être reconsidérés car l’obésité augmente en moyenne de 13 minutes la durée du geste opératoire et de 20 minutes le temps passé en salle d’intervention compte tenu des difficultés d’installation de ces patients.
En post-opératoire, l’obésité augmente de 150% le risque de morbi-mortalité.
La chirurgie orthopédique est une chirurgie à risque thromboembolique (formation d’un caillot dans la circulation sanguine) majeur, risque qui est encore majoré en cas d’obésité.
La récupération fonctionnelle du patient obèse est généralement plus longue du fait de la faible activité physique de départ.
La durée de vie d’une prothèse de hanche ou de genou est inférieure lorsque le patient est en surcharge pondérale.
En conclusion, l’obésité est un facteur de risque de mauvais pronostic en chirurgie orthopédique et nécessite une réflexion et une préparation à chaque étape de la prise en charge.
Plusieurs études ont mis en évidence les conséquences de l’obésité sur le travail du chirurgien orthopédique, tel qu’un rallongement du temps opératoire et de la durée d’hospitalisation, un résultat fonctionnel moindre, un taux de complication plus élevé et un taux de survie des prothèses plus bas.
C’est pourquoi la prise en charge de ces patients doit impérativement inclure celle de la surcharge pondérale en favorisant une perte de poids, si possible rapide et en amont de l’opération.