Dans la famille des hormones régulant l’équilibre énergétique de l’organisme, on trouve la ghréline, la leptine, l’adiponectine et l’insuline, qui régulent la faim, la satiété et le métabolisme énergétique, déterminant ainsi notre poids corporel. Dans cette famille, on demande aujourd’hui la ghréline !
Découverte en 1999, la ghréline est une hormone circulante principalement sécrétée dans l’estomac par des cellules ghrélinergiques situées dans le tractus gastro-intestinal. Lorsque l’estomac est vide, ces cellules produisent et libèrent la ghréline dans la circulation sanguine pour que celle-ci soit conduite jusqu’au cerveau, au niveau de l’hypothalamus où se trouve ses récepteurs spécifiques. En les activant un signal est envoyé à l’organisme pour lui indiquer qu’il a besoin de se nourrir. C’est l’ensemble de ces mécanismes qui entraînent la sensation de faim et incite une personne à manger. Lorsque celle-ci se met à manger, l’estomac se remplit, ce qui est détecté par les cellules productrices de ghréline, leur indiquant que la mission est accomplie. La sensation de faim diminue.
Malgré tous leurs efforts, 80 % des personnes qui perdent du poids grâce à un régime diététique quel qu’il soit le reprennent dans les 5 années qui suivent [1], parfois même avec quelques kilos supplémentaires. Pourquoi ? Après une perte de poids, surtout lorsque celle-ci a été obtenue au prix de d’efforts importants et prolongés, notre corps riposte en déclenchant la faim tout en ralentissant ses dépenses énergétiques de base. En partie responsable de ces mécanismes adaptatifs, la ghréline, « hormone de la faim » joue un rôle essentiel dans la stimulation de l’appétit et favorise la prise de poids.
En effet, lorsque les personnes obèses perdent du poids en jeûnant ou en limitant leurs apports caloriques et tentent de maintenir cette perte de poids, leur corps a tendance à produire davantage de ghréline. Une étude a montré que les personnes ayant reçu de la ghréline par injection sous-cutanée ont connu une augmentation de 46 % de leur sensation de faim et ont mangé 28 % plus de calories lors de leur prochain repas que celles qui n’avaient pas reçu d’injection de ghréline [2]. Cet effet pourrait expliquer pourquoi les personnes qui perdent du poids ont souvent du mal à le maintenir : l’augmentation des niveaux de ghréline suivant la perte de poids les incite à manger plus et favorise la prise de masse grasse. Car au-delà de la régulation de l’appétit, le taux de ghréline pourrait avoir un lien avec la résistance à l’insuline, hormone dite « de stockage » car fortement impliquée dans la constitution des réserves de graisses dans les cellules adipeuses [3].
Au-delà de la faim, la ghréline peut aussi nous amener à manger non pas parce que nous avons faim mais simplement pour nous réconforter, comme lorsque nous sommes stressés ou anxieux. Parmi ses nombreux effets, la ghréline favorise l’augmentation du poids, et plus précisément de la masse grasse, en activant des récepteurs spécifiques situés dans le noyau arqué de l’hypothalamus. C’est précisément là que se trouvent également les voies de récompense du cerveau, nous donnant envie de manger en réponse à une simple émotion, indépendamment de notre état nourri ou pas. Ce lien entre la ghréline et l’alimentation émotionnelle peut contribuer à une obésité.
On pourrait logiquement s’attendre à des niveaux élevés de ghréline chez les personnes obèses, mais ce n’est pas le cas. En fait, les niveaux de ghréline sont généralement plus faibles chez les personnes obèses que chez les personnes plus minces [4]. En revanche, il est possible que l’excès de poids altère la sensibilité des récepteurs de la ghréline à son substrat, entraînant une stimulation plus élevée de la faim avec moins de ghréline.
Notons qu’on constate également une augmentation des niveaux circulants de ghréline en cas de manque de sommeil.
Bon à savoir, le type d’aliments que nous consommons influence le niveau de ghréline. Après un repas riche en glucides, le taux de ghréline diminue d’abord rapidement, mais augmente ensuite très rapidement, ce qui amène le corps à réclamer à nouveau de la nourriture. En revanche, l’apport en protéines aide à maintenir un taux bas de ghréline plus longtemps [5]. Par conséquent, les professionnels de santé, notamment les diététiciens, devraient conseiller aux patients d’augmenter leur apport en protéines tout en réduisant leur apport en glucides pour favoriser la perte ou le maintien du poids après un régime.
La ghréline pourrait-elle être l’élément clé permettant de venir à bout de l’épidémie de surpoids et d’obésité ? Le blocage pharmacologique de la ghréline pourrait en effet être une stratégie pertinente pour obtenir un maintien du poids après une perte de poids, et cela pourrait aider à prévenir l’effet rebond typique observé avec les régimes et l’arrêt des médicaments anti-obésité. Compte tenu des taux élevés de reprise de poids de telles interventions, le ciblage de la ghréline pourrait être le chaînon manquant dans la prise en charge à long terme de la surcharge pondérale. Cependant, des « bloqueurs de ghréline » pourraient avoir des effets secondaires importants étant donné que cette hormone agit également sur les centres de récompense et de plaisir du cerveau. Il faudra donc faire preuve de prudence lors du développement de tels médicaments en raison de leur impact potentiel sur l’humeur et la santé mentale.