L’étude DiRECT montre qu’un simple régime, dont le coût est modeste et les effets secondaires limités, est très efficace contre le diabète de type 2. Une étude à méditer, selon le Pr Steg.
Gabriel Steg – Bonjour. Aujourd’hui, je voudrais vous parler de diabète.
Vous allez dire — le diabète n’est pas directement une maladie cardiovasculaire — et pourtant, les conséquences du diabète sont tellement fréquentes et tellement graves que c’est, dans un certain sens, une maladie cardiovasculaire, en tout cas, une maladie qui concerne tous les médecins qui s’intéressent à la médecine cardiovasculaire. Et je voudrais vous parler de régimes. On sait depuis longtemps que l’obésité, le surpoids, l’obésité abdominale sont des facteurs de progression vers le diabète — des facteurs pronostics en diabète — et qu’une certaine perte de poids peut améliorer le contrôle glycémique. Une des façons les plus drastiques de perdre du poids et d’améliorer son contrôle glycémique lorsqu’on est obèse, c’est la chirurgie bariatrique – remarquablement efficace, mais avec des inconvénients majeurs, coûts majeurs, une morbidité majeure et des conséquences à long terme psychologiques et médicales qui ne sont certainement pas, de façon univoque, favorables. Et c’est un euphémisme.
J’ai été très frappé par la lecture, ce jour, d’une étude angloécossaise, l’étude DiRECT, qui s’est intéressée au régime pour obtenir la rémission du diabète[1]. Les investigateurs ont recruté environ 300 patients dont le diabète avait été diagnostiqué jusqu’à 6 ans avant l’inclusion dans l’étude, des diabètes de type 2. Et ils les ont tirés au sort entre un groupe qui a reçu le traitement usuel et un groupe dans lequel il y a eu une intervention structurée de prise en charge sur le plan diététique, avec des entrevues régulières avec des diététiciens et diététiciennes, une restriction calorique initiale intensive, puis une réintroduction contrôlée d’un régime plus large, un programme d’exercice physique, et les patients étaient suivis jusqu’à un an. Rémission du diabète chez 46 % des patients sous régime.
Le recrutement dans l’étude a été rapide, les patients ont été adhérents au programme de suivi, ont été remarquablement bien suivis et les résultats sont sans appel : la moitié, environ, des patients du groupe intervention, 46 % exactement, ont eu une rémission de leur diabète marquée par une hémoglobine glyquée inférieure ou égale à 6,5 % sans médicaments.
Cette rémission a été rarissime dans le groupe contrôle. En outre, chez les patients qui ont atteint une perte de poids de 15 kilos ou plus, 86 % d’entre eux ont eu une rémission de leur diabète.
Et parallèlement à cette rémission du diabète et à cette perte de poids, on note une amélioration des paramètres lipidiques et une amélioration des paramètres tensionnels, avec la possibilité de se sevrer du traitement antihypertenseur dans une proportion non négligeable de cas.
J’ajoute que le traitement a été remarquablement bien toléré et que la qualité de vie, mesurée par les indices classiques de qualité de vie, a été nettement améliorée dans le groupe régime/perte de poids. Et je pense que ces résultats nous interpellent, parce qu’ils montrent qu’une intervention qui a un coût modeste, des effets secondaires limités, et qui est applicable à l’échelle de populations entières, est remarquablement efficace, au moins à l’échelle de temps de 12 mois, pour s’adresser à des problèmes de santé publique majeurs émergents dans le monde d’aujourd’hui, qui est la véritable épidémie de diabète et d’obésité que nous connaissons.
Et je pense que ça doit nous inciter, même nous, cardiologues, à avoir des conversations extrêmement précises avec nos patients lorsqu’ils évoluent vers le diabète, ou lorsque le diabète est diagnostiqué sur la nécessité impérative d’une prise en charge de leur mode de vie au sens large — activité physique, alimentation, régime — et de ne pas céder à la facilité d’une simple adjonction d’une ligne médicamenteuse supplémentaire dans une ordonnance souvent déjà chargée.
Nous savons tous que les ordonnances des cardiaques et diabétiques sont souvent des ordonnances de véritable polypharmacie et je crois que cette étude est un coup d’éclat ou un signal d’alarme sur la nécessité de revenir à des choses extrêmement simples, avec un traitement extraordinairement peu coûteux, bien toléré et efficace pour le diabète de type 2, même lorsqu’il est installé depuis plusieurs années.
✔️ Professeur à l’Université Paris – Diderot depuis 1994.
✔️ Professeur au National Heart and Lung Institute, Imperial College
Londres depuis 2013.
✔️Chef du Département de Cardiologie
CHU Bichat, à Paris.
✔️ Directeur de l’équipe de recherche “Recherche Clinique en Athérothrombose” (UMR 1148), à Paris et co-coordinateur du Département Hospitalo-Universitaire FIRE (Fibrose, Inflammation et REmodelage).
✔️ Président du réseau de recherche académique FACT (French Alliance for Clinical Trials), et coordinateur du projet de recherche hospitalo-universitaire iVASC (InnoVations in Atherothrombosis Science).
✔️ Éditeur associé de la revue « Circulation », revue scientifique de l’association américaine de cardiologie.
✔️ Membre de la Société Européenne de Cardiologie, et du Collège Américain de Cardiologie.
Les résultats de l’étude DiRECT ont été présentés pour la première fois en septembre 2017 lors de la réunion annuelle de l’Association Européenne pour l’Étude du Diabète (EASD) à Lisbonne (Portugal).