Certains médicaments ont comme effet secondaire la prise de poids et rendent la perte de poids encore plus difficile à obtenir.
C’est pourquoi, en cas de prise de poids inexpliquée, il peut être utile de les connaître et de les identifier sur son ordonnance.
L’étude anglaise UKPDS (United Kingdom Prospective Diabetes Study) a montré que les patients diabétiques de type 2 traités par insuline prenaient en moyenne 7 kg après dix ans de traitement. Ceux qui étaient traités de manière intensive (c’est-à-dire recevant une dose d’insuline supérieure à ceux traités de manière conventionnelle) prenaient même le double de poids comparés aux patients traités de manière conventionnelle (cf. figure) [1].
✔️ Le traitement à l’insuline, qui a pour but d’obtenir un bon contrôle glycémique, réduit considérablement la perte de glucose dans l’urine, conduisant à un gain énergétique équivalant à une prise de 5 à 10 kg sur un an.
✔️ Le traitement à l’insuline a comme autre effet secondaire majeur la survenue relativement fréquente d’hypoglycémies. Ces hypoglycémies doivent être corrigées par le patient qui consomme alors des aliments riches en sucre en dehors des repas, et donc ingère une quantité de calories supérieure à ce qui est normalement nécessaire.
✔️ L’insuline est l’hormone de stockage par excellence. Elle stimule l’entrée et la rétention des graisses dans les cellules adipeuses. Cet effet est proportionnel à la dose : plus le patient diabétique s’injecte d’insuline, plus il “fait du gras”.
✔️ L’insuline et la leptine sont deux signaux de satiété. Dans l’obésité, on observe une résistance combinée à l’action de la leptine et de l’insuline au niveau de l’hypothalamus, centre de régulation de la satiété dans notre cerveau, stimulant la prise alimentaire.
La cortisone est principalement utilisée pour traiter de nombreuses maladies inflammatoires et auto-immunes. Elle peut être prescrite en cure courte (de 5 à 10 jours) pour des pathologies aiguës ou en cure prolongée (supérieure à trois mois) pour des maladies chroniques.
Les corticoïdes induisent fréquemment une prise de poids lorsqu’ils sont pris durant plusieurs semaines ou mois. Cette prise de poids est habituellement modérée, de l’ordre de 1 à 2 kilos. Par ailleurs, les corticoïdes modifient l’aspect physique avec apparition d’un arrondissement du visage (visage dit “lunaire”), d’une bosse au niveau de la nuque (“bosse de bison”) ou d’une augmentation du tour de taille. Ces anomalies sont principalement dues à une redistribution des graisses dans l’organisme appelée lipodystrophie. On estime qu’après deux à trois mois de traitement, 60 % des patients présentent une modification significative de leur aspect physique et 10 % des patients traités au long cours constatent une augmentation de plus de 10 % de leur poids [2].
Le risque augmente proportionnellement aux doses prescrites, dès 10 mg par jour de Cortancyl® ou de Solupred® [3]. Ces effets indésirables apparaissent précocement mais sont réversibles à l’arrêt de la corticothérapie.
On entend par psychotropes les neuroleptiques (ou antipsychotiques) généralement prescrits pour des pathologies telles que les troubles bipolaires et la schizophrénie, les thymorégulateurs (stabilisateurs de l’humeur, comme le lithium), les anxiolytiques et les antidépresseurs. Certaines molécules, comme des antihistaminiques ou des bêtabloquants, peuvent être également prescrites comme anxiolytiques et induire les mêmes effets indésirables.
Les psychotropes peuvent entrainer une prise de poids, une augmentation du tour de taille, ainsi que l’apparition de troubles métaboliques tels qu’une intolérance au glucose, un diabète ou une dyslipidémie, réduisant ainsi la qualité et l’espérance de vie des patients.
Les effets des psychotropes sur le poids diffèrent selon leur classe pharmacologique, la posologie et la durée du traitement, mais également parmi les sujets prenant la même molécule. Les patients ne sont donc pas tous égaux face à la prise de poids.
✔️ Dans la majorité des cas, la prise de poids sous psychotropes est associée à une augmentation de l’appétit. Les psychotropes agissent sur différents neurotransmetteurs (molécules de signalisation au niveau du cerveau) impliqués dans la régulation complexe de la faim et de la satiété.
✔️ En plus de stimuler la faim, la plupart des psychotropes provoquent également un ralentissement général du métabolisme énergétique. En effet, certains patients évoquent une prise de poids malgré une perte d’appétit.
✔️ L’influence d’un psychotrope sur le poids peut être également en lien avec ses effets sur le psychisme, comme la sédation. Les dépenses énergétiques sont alors diminuées ce qui favorise la prise de poids.
Des antibiotiques ont été longtemps donnés aux animaux d’élevage pour les faire grossir plus rapidement et avec moins de nourriture. Peut-on s’attendre aux mêmes effets chez l’homme ?
Des chercheurs marseillais ont constaté chez les patients sous vancomycine et gentamycine une augmentation de l’indice de masse corporelle de 2,3 kg/m². Les hommes de plus de 65 ans traités avec ces deux antibiotiques sont même devenus obèses [5].
Quelles sont les raisons de cette prise de poids ? Les antibiotiques perturbent l’équilibre du microbiote intestinal, impliqué notamment dans le métabolisme énergétique et la régulation du poids.
D’ailleurs, lorsqu’on compare la composition bactérienne du microbiote intestinal de personnes obèses avec celle de personnes de corpulence normale, on s’aperçoit qu’elles diffèrent, certains groupes bactériens capables d’extraire davantage de calories des aliments étant plus représentés chez les obèses, ce qui entraînerait une augmentation de la masse graisseuse [6].
Nous avons détaillé ici les médicaments les couramment impliqués dans la prise de poids. Cette liste n’est pas exhaustive et d’autres médicaments peuvent être responsables de votre prise de poids, comme notamment certains antiépileptiques, antidiabétiques oraux, antimigraineux, antirétroviraux, la méthadone, ou la chimiothérapie [7].
✔️ Lors de l’initiation de traitements pouvant favoriser la prise de poids et durant le suivi, il est fondamental de surveiller les données anthropométriques telles que le poids et le tour de taille, et de suivre leur évolution. La tension artérielle devrait aussi être contrôlée à chaque visite et un bilan lipidique et une glycémie à jeun effectués à intervalles réguliers.
✔️ Malgré la prise de poids, il ne faut pas interrompre son traitement médicamenteux ni sauter des doses car cela peut entraîner des complications à long terme. Parlez-en à votre médecin.
✔️ Dans les centres RNPC®, les diététiciennes sont formées à reconnaitre les médicaments qui peuvent potentiellement expliquer une prise de poids et une résistance à la perte de poids. C’est pourquoi nous vous demandons systématiquement d’amener votre ordonnance lors du premier entretien et de nous informer de toute modification de vos traitements au cours de la prise en charge.
[1] Philippe J. Comment minimiser la prise de poids secondaire au traitement d’insuline ? Rev Med Suisse 2010;6:1199-204
[2] Curtis JR, et al. Population-based assessment of adverse events associated with long-term glucocorticoid use. 2006 Arthritis Rheum. 2006;55(3):420-6
[3] Huscher D, et al. Dose-related patterns of glucocorticoid-induced side effects. Ann Rheum Dis. 2009;68:1119-24
[4] Locatelli L & Golay A. Psychotropes et poids. Rev Med Suisse 2018;14:605-9
[5] Chabroux S. Médicaments et prise de poids : lesquels peuvent être réellement incriminés ? Réalités en nutrition et en diabétologie # 25_Mars/Avril 2010;20-24
[6] Thuny F, et al. Vancomycine treatment of infective endocarditis is linked with recently acquired obesity. PLoS ONE 2010;5(2):e9074
[7] Ley RE, et al. Microbial ecology: human gut microbes associated with obesity. Nature 2006;444(7122):1022-3