Vous en avez forcément entendu parler : l’efficacité des nouveaux médicaments anti-obésité de la catégorie des analogues du glucagon-like peptide-1 (aGLP-1) est redoutable, certaines molécules encore en cours d’étude affichant des records de perte de poids de l’ordre de 25 % [1], ce qui pourrait bientôt concurrencer la chirurgie bariatrique.
Un de ces médicaments, le fameux Wegovy, est commercialisé aux États-Unis depuis plusieurs mois et promet une perte de poids moyenne de 16 % [2]. Il s’apprête aujourd’hui à envahir le marché français, dès lors que le laboratoire pharmaceutique Novo Nordisk, qui produit ces médicaments, et l’État français se seront mis d’accord sur le prix auquel ce médicament sera remboursé.
Devant les dérives[MOU1] constatées avec l’Ozempic (médicament aGLP-1 contenant la même molécule que Wegovy mais à plus faible dose et indiqué dans le traitement du diabète de type 2), l’ANSM[MOU2] (Agence nationale de sécurité du médicaments et des produits de santé) et la HAS[MOU3] (Haute Autorité de Santé) ont publié leurs recommandations pour encadrer la prescription de ce médicament. Ainsi :
Comme on peut le constater, ces deux organismes sanitaires publics conditionnent la prescription du médicament au suivi d’un régime alimentaire hypocalorique et à une augmentation de l’activité physique.
Lorsque le sémaglutide (principe actif du Wegovy) a été testé dans les études cliniques, il l’a été dans le cadre d’un protocole bien établi, et c’est dans ces conditions qu’on a obtenu une perte de poids de 16 % [2]. Ces conditions incluaient, pendant 8 semaine : le suivi d’un régime hypocalorique (1000 à 1200 kcal par jour ; à base de substituts de repas enrichis en protéines, en fibres et en vitamines et minéraux, et appauvris en glucides et lipides), 100 à 200 minutes d’activité physique par semaine, des consultations de thérapie comportementale. Si on veut s’approcher d’un tel résultat en situation de vie réelle, on doit donc essayer d’être au plus proche des conditions de l’essai clinique. Or, difficile de trouver un professionnel de santé, un service hospitalier ou même une clinique privée qui propose ce genre de prestation.
De plus, avec le recul, il s’avère que la prise en charge nutritionnelle des patients sous aGLP-1 n’est pas si évidente en pratique. En effet, l’administration de Wegovy s’accompagne fréquemment d’effets indésirables gastro-intestinaux (nausées, diarrhées, vomissements), souvent d’ailleurs à l’origine de l’abandon du traitement. Pour information, le taux d’abandon du traitement par Wegovy est particulièrement élevé : 54 % des patients abandonnent le traitement dès la première année, et 72 % à 2 ans [3].
Ces effets secondaires, en plus d’être inconfortables, rendent compliqué le simple fait de se nourrir et de boire. Ainsi, les médecins américains lancent des alertes devant des patients qui certes perdent du poids, mais se retrouvent en contrepartie dénutris – c’est-à-dire avec une fonte massive et préoccupante de leur masse musculaire [4], carencées en vitamines et minéraux – et même déshydratées.
Les sociétés savantes américaines ont donc émis des recommandations diététiques et nutritionnelles adaptées à l’utilisation des aGLP-1 pour éviter aux patients traités de se retrouver en plus mauvaise santé qu’auparavant [5]. Ainsi, pour satisfaire les besoins recommandés en macronutriments (protéines, glucides, lipides) et micronutriments (vitamines et minéraux), les patients devraient consommer par jour 2 à 3 litres d’eau, au moins 1,5 gramme de protéines pures par kilo de poids corporel, entre 20 et 35 grammes de fibres selon le sexe, et être supplémentés en micronutriments.
Enfin, que se passe-t-il pour ceux qui parviennent à atteindre leur objectif de poids à l’arrêt du traitement ? D’après les résultats des premières études à long terme, ils reprennent les deux tiers du poids perdu, un an à peine après avoir stoppé les injections [6]. Car l’effet de la médication est dit suspensif : il ne dure que le temps de la prise du traitement. Et le médicament ne guérit pas les problèmes sous-jacents qui ont conduit à la prise de poids.
La seule possibilité d’éviter la reprise de poids à l’arrêt du traitement est donc de mettre en place un suivi diététique et un soutien psychocomportemental dès le début et tout au long du traitement médicamenteux.
Car si la perte de poids est déjà un premier objectif à atteindre, maintenir cette perte de poids à long terme n’est-il pas le véritable et ultime objectif de la prise en charge ?
Vous l’aurez compris aisément à l’issue de cette démonstration, si ces médicaments représentent une avancée majeure dans la lutte contre l’obésité, il est important de tenir compte de leurs limites et d’appliquer à la lettre les recommandations de bonnes pratiques concernant leur prescription et leur utilisation. Et parmi ces bonnes pratiques, à chaque étape de la prise en charge (avant, pendant et après le traitement par aGLP-1), l’application des règles hygiéno-diététiques de base – à savoir un régime alimentaire hypocalorique et une augmentation de l’activité physique – dans le cadre d’un suivi régulier et intensif adapté pour une modification durable du mode vie.
https://ansm.sante.fr/actualites/analogues-du-glp-1-et-obesite-nous-prenons-des-mesures-pour-securiser-leur-utilisation-en-france
https://www.has-sante.fr/upload/docs/evamed/CT-20916_WEGOVY_PIC_REEV_AvisDef_CT20916.pdf