Depuis plus de dix ans, les scientifiques se penchent sur un “organe” inexploré : les 100 000 milliards de bactéries vivant dans notre intestin et constituant ce qu’on appelle le microbiote intestinal. Ce microbiote, s’il est avant tout protecteur, est également impliqué dans diverses maladies, inflammatoires, métaboliques ou neurologiques.
En effet, les altérations de cet écosystème sont associées au développement ou à l’aggravation de nombreuses maladies chroniques dont l’incidence et l’impact sur la mortalité ne cesse d’augmenter. Par exemple, les chercheurs font aujourd’hui le lien entre altération du microbiote et obésité, diabète, allergies, certaines maladies auto-immunes voire même anxiété, dépression, autisme.
D’un point de vue évolutif, un bon microbiote nous permet de récupérer au mieux l’énergie des aliments. Si notre alimentation est trop riche en sucres et en graisses, la composition du microbiote se modifie.
Le microbiote altéré ne parvient plus à réguler correctement cet afflux constant d’énergie et participe alors au maintien de ce déséquilibre.
Résultat : Notre corps réagit en stockant trop de gras dans ses cellules adipeuses.
Des chercheurs français ont comparé le microbiote de personnes obèses avec celui de personnes de poids normal et ont observé d’importantes différences : les personnes obèses présentent une forte perturbation de la diversité bactérienne dans leur intestin (cf. photo).
Leur microbiote perd alors ses fonctions protectrices et favorise la prise de poids [1, 2].
Ces analyses ont même permis d’identifier certaines espèces bactériennes jouant très probablement un rôle spécifique dans la prise de poids et la résistance à la perte de poids. D’autres pourraient également être impliquées dans la survenue de complications associées à l’obésité, notamment cardiaques et métaboliques.
Par ailleurs, les individus montrant une faible diversité de bactéries intestinales répondraient moins bien à un régime riche en protéines et en fibres et pauvre en calories en termes de perte de poids et d’amélioration de leurs paramètres métaboliques [1].
Avec près de 4,5 % de la population française atteinte de diabète de type 2, c’est la maladie endocrinienne la plus répandue dans le monde. Elle se caractérise par un taux de glucose trop élevé dans le sang et est très souvent la conséquence d’une insulino-résistance*.
Chez des sujets sains, le pancréas sécrète de l’insuline dès que le taux de sucre dans le sang augmente afin que celui-ci puisse rentrer dans les cellules. Chez des patients diabétiques, les cellules ne répondent plus à l’insuline et le glucose s’accumule dans la circulation sanguine ; ces patients sont alors dits “insulino-résistants”.
De nombreuses études ont montré qu’il existait un lien entre le diabète de type 2 et le microbiote intestinal. Si certaines bactéries sont moins abondantes chez les diabétiques, d’autres à l’inverse sont plus représentées, ce qui crée un déséquilibre favorable au développement de la maladie [3].
Autre fait intéressant, en comparant le microbiote intestinal de personnes diabétiques traitées avec de la metformine*, le principal traitement antidiabétique, avec celui de personnes en bonne santé, les scientifiques ont constaté que la metformine rétablissait en partie la composition du microbiote d’un diabétique [4]. Cependant, la metformine favorise également la prolifération de bactéries pouvant être à l’origine de troubles digestifs, des effets secondaires bien connus du traitement le rendant mal toléré par certains patients.
Insulino-résistance* : L’insulino-résistance est définie par une réduction de la réponse biologique à l’action de l’insuline (qui vise à diminuer le taux de glucose dans le sang). Lorsque cette insulino-résistance est associée à la diminution de la capacité sécrétoire de l’insuline, elle conduit au développement du diabète de type 2.
Metformine* : La metformine fait partie des traitements antidiabétiques oraux. Elle est généralement prescrite en première intention en cas de diabète de type 2.
Prébiotique* : Un prébiotique est constitué de fibres alimentaires qui stimulent sélectivement la croissance et/ou l’activité de bactéries intestinales.
Probiotique* : Selon la définition officielle de l’Organisation Mondiale de la Santé, un probiotique est un micro-organisme qui, ingéré en quantité régulière et de façon adéquate, peut avoir des effets bénéfiques pour notre santé.
[1] Cotillard et al. Dietary intervention impact on gut microbial gene richness. Nature 2013;500(7464):585-8
[2] Le Chatelier et al. Richness of human gut microbiome correlates with metabolic markers Nature 2013;500(7464):541-6
[3] Aydin et al. The Gut Microbiome as a Target for the Treatment of Type 2 Diabetes. Curr Diab Rep 2018;18:55
[4] Wu et al. Metformin alters the gut microbiome of individuals with treatment-naive type 2 diabetes, contributing to the therapeutic effects of the drug. Nat Med 2017;23(7):850-858